Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le Blog de Pierre Moulin

15 juin 2008

A propos du développement durable

bollore_unepinin1_bigSans_titre

Le développement durable : en parler seulement ou agir ?

Et oui, le développement durable on en parle beaucoup, de plus en plus.

Certes, on agit aussi. Mais agit-on suffisamment, suffisamment vite, suffisamment efficacement ?

À l'évidence : NON.

Et qu'attend-on ? Pourquoi attend-on ?

À quoi - ou à qui - sont dues ces prises de conscience molles, les décisions tardives, inexistantes ou timorées, alors pourtant que le temps presse et que cela devrait crever les yeux de tous, à commencer par nos gouvernants ?

Esquisses de réponse : aux lobbies pétroliers, à la peur du changement qui paralyse, à l'incompétence, à une forme de comportement collectif suicidaire ?

Sans doute à un peu tout cela.

À propos du poids des lobbies du pétrole, il faut se souvenir que cela fait belle lurette qu'on entend dire ici ou là que l'industrie pétrolière freinerait la recherche, ou la recherche appliquée, sur les modes de propulsion alternatifs des véhicules.

Traditionnellement, on prend ceux qui affirment cela pour des hurluberlus ou des paranoïaques.

Que nenni. Le poids des lobbies, à la mesure du poids des entreprises ou des secteurs qu'ils représentent, n'est plus un secret aujourd'hui.

Des émissions de télévision ont par exemple montré au grand public qu'à Bruxelles les lobbyistes, comme on les appelle désormais, occupent des immeubles entiers.

En France, la même réalité existe. Mais, s'exerçant par exemple au Palais-Bourbon auprès des députés, elle sait se faire plus discrète qu'à Bruxelles. Plus sournoise, donc, disent certains.

Quelles qu'en soient les raisons, on constate en tout cas que l'adage « gouverner c'est prévoir » a rarement été aussi peu vrai.

Ainsi, il y a quelques mois, on nous vantait encore les mérites du développement de la culture de biocarburants.

Les gouvernants mettaient en place tout un arsenal législatif et réglementaire pour la favoriser.

Le premier scientifique venu, ou presque, soulignait pourtant depuis le début que l'ensemble des surfaces cultivables de la planète – à supposer qu’on les y consacre entièrement - ne suffiraient pas à produire les carburants nécessaires pour faire rouler l'ensemble des véhicules actuels, sans parler de l'augmentation bientôt exponentielle du parc automobile en Asie.

Depuis quelques semaines, on se met, enfin, à douter ouvertement de la pertinence de cette culture de biocarburants quand les denrées alimentaires viennent à manquer de manière criante. Comme si on ne pouvait pas en prendre conscience plus tôt !

Gouverner c'est prévoir ?

Preuve de la léthargie des pouvoirs publics et des industriels : en France comme ailleurs, rien de sérieux n'est fait pour développer la production de véhicules électriques performants, pourtant à notre portée.

Pire, on continue de laisser penser au grand public - et donc aux acheteurs potentiels - que ces véhicules ne sont pas au point, que leur autonomie est trop faible...

Rien n'est plus faux.

Une firme du groupe Bolloré a mis au point il y a plus de trois ans une voiture électrique, d'allure plutôt sympathique, qui jouit d'une autonomie de 250 kilomètres entre deux charges des batteries et peut transporter cinq personnes.

Vincent Bolloré semble avoir énormément peiné à trouver des partenaires industriels pour produire ce véhicule. On nous annonce cependant, enfin, une commercialisation des premiers exemplaires de la Bluecar en 2009. (Voir les photos de cette BlueCar en tête de ce billet)

Chacun - ou presque - sait pourtant que ce grand chef d'entreprise a des amis proches très bien placés...

Il faut donc penser, pour s'en réjouir aussitôt, que l'amitié avec le personnel politique de tout premier plan n'influence guère le cours des choses ?  Bien maigre consolation cependant au regard du réchauffement climatique dont on prendra l'exacte mesure quand il sera trop tard...

À moins que le lobby pétrolier, encore et toujours lui, ne pèse décidément trop lourd, ne serait-ce qu'en termes de taxes sonnantes et trébuchantes pour les Etats…

Plus le carburant est cher, plus les profits et les taxes augmentent  (Le groupe Bolloré lui-même est très impliqué dans la filière pétrolière).

Voilà la banale réalité. Très terre à terre. Très dangereuse pour la terre.

Mais faisons un instant abstraction du lobby pétrolier.

Une autre erreur ne doit pas être commise, celle qui consisterait à dire : laissons faire les règles du marché, les choses vont se réguler d'elles-mêmes.

Nous n'en sommes plus là, car le temps presse et le jugement des individus, même s'ils sont dirigeants de grandes entreprises, peut-être brouillé par différents facteurs, parmi lesquels il ne faut pas négliger, tant elle est humaine, la crispation sur les savoir-faire et les techniques du passé.

Ainsi, Peugeot, qui, de longue date, a énormément misé sur le diesel, annonce-t-il pour 2010 la commercialisation d'une voiture hybride électricité - diesel.

Ce choix atypique - car les autres véhicules hybrides utilisent comme carburant l'essence et non le gasoil - constitue manifestement une erreur, pour plusieurs raisons :

  • En premier lieu, d'ici 2010, et sûrement bien avant, le prix du litre de gasoil dépassera largement celui du litre d'essence sans plomb 95. C’est déjà le cas dans un certain nombre de stations-service.

  • En deuxième, lieu, les moteurs diesels récents équipant les véhicules produits par les différents constructeurs automobiles connaissent fréquemment des problèmes et des pannes occasionnés par l'encrassement des vannes dites EGR et des filtres à particules des pots catalytiques.

Or, sur un véhicule hybride, le poids du contrôle de l'électronique sur le fonctionnement des moteurs sera encore beaucoup plus important que sur un véhicule classique, et il rendra bien difficile, pour ne pas dire impossible, le "décrassage" des moteurs diesels que les concessionnaires, à bout d'arguments, conseillent régulièrement à leurs clients qui roulent beaucoup en ville, principales victimes des pannes évoquées ci dessus. Les véhicules hybrides ne devraient ils pourtant pas être spécialement adaptés à l'usage urbain ?

Qui pourra empêcher ce grand constructeur automobile d'aller ainsi droit dans le mur, en lui imposant sans plus tarder des révisions probablement déchirantes mais nécessaires, qui ne peuvent être différées davantage, car un nouveau modèle automobile ne se conçoit pas et ne se fabrique pas en six mois ?

Seules des mesures beaucoup plus contraignantes de la part de l'Europe ou des Etats, à commencer par l'État français, peuvent être efficaces à court terme.

Peut-être les partenaires sociaux, c'est-à-dire les syndicats représentatifs chez PSA, pourraient-ils également jouer un rôle en tirant dès maintenant la sonnette d'alarme, de manière vigoureuse, mais constructive.

Car plus les mesures de reconversion des sites industriels en vue de la production de véhicules d'un type nouveau pourront être anticipées, c'est-à-dire commencées dès maintenant et moins, peut-on espérer, la casse sociale sera importante.

Il y en a pourtant déjà chez General Motors aux Etats-Unis, où on commence à prendre les premiers virages.

Il est temps, il est grand temps d'agir.

C'est pourquoi, il faut lancer un appel à tous les internautes pour que se multiplient des blogs comparables à celui-ci et pour que, partout, la moindre occasion soit saisie de réclamer des mesures à la hauteur des enjeux réels, qui créent l'urgence absolue d'une mise en chantier immédiate de changements industriels considérables.

Ils ne se feront pas par l'opération du Saint Esprit et seront longs. Raison de plus pour entamer maintenant ceux qui peuvent l'être, comme la création d'unités de production capables de produire massivement les voitures électriques d'ores et déjà au point, du style de la Bluecar.

La hausse phénoménale des prix du pétrole peut constituer un électrochoc salutaire.

Deux alternatives très claires s'ouvrent de ce fait devant nous :

Ou bien, nous ne faisons rien de plus, ou quasiment rien, et nous entrerons rapidement dans une stagflation dont les premiers signes se font déjà sentir, puis nous pleurerons dans quelques années ou, tout au plus, dans quelques décennies, sur le réchauffement climatique irréversible. En attendant, en matière de transport automobile, la sélection par l'argent constituera le seul mécanisme pseudo régulateur. Les automobilistes aisés qui le souhaitent pourront continuer de s'acheter de gros 4x4 de 350 chevaux, ou plus, ainsi que le carburant qui va avec.

Ou bien, au lieu de continuer à nous torturer l'esprit en nous demandant s'il est légitime d'essayer de persuader les Chinois ou les Indiens qu'ils ne doivent plus chercher à copier notre modèle ancien de croissance économique, nous agissons en stimulant véritablement la recherche et la recherche appliquée dans les innombrables secteurs où existent des perspectives réelles et attrayantes de locomotion basée sur des énergies alternatives. Dans le même temps produisons dès maintenant et en grande quantité ce que nous avons déjà mis au point, en faisant jouer une concurrence réelle, affranchie des lobbies de tous bords.

Si nous ne le faisons pas, peut-être pouvons nous d'ailleurs espérer que les Asiatiques sauront se montrer plus intelligents que nous et renonceront d’eux mêmes à vouloir équiper chacun de leurs foyers d'une voiture à pétrole, en nous damant le pion pour la mise au point, la production et la commercialisation de véhicules à énergies propres...

Ce serait évidemment un moindre mal.

N’oublions pas non plus que le pétrole n’est pas qu’une source d’énergie mais qu’il est aussi une matière première entrant dans la composition de la quasi-totalité des biens de consommation produits industriellement, qu’ils soient simples ou très élaborés.

Si, voyant en lui, bien à tort, essentiellement le carburant, nous le brûlons jusqu’à la dernière goutte dans nos chaudières et nos moteurs à explosion, comment fabriquerons nous tous ces biens industriels, aujourd'hui omniprésents autour de nous, de la banale boîte en plastique ou de la poubelle, jusqu'à des biens beaucoup plus nobles comme nos très agréables et très commodes verres de lunettes, légers et minces, en verre « organique ».  Qui y pense vraiment ?

NB : Ce blog n'est évidemment pas une publicité pour la BLUECAR. A partir de cet exemple d'accouchement difficile, un parmi tant d'autres, il veut seulement montrer que les solutions innovantes ne sont pas mises en avant, loin s'en faut. Pourvu que ça change. Vite.

Publicité
Publicité
Le Blog de Pierre Moulin
Publicité
Publicité